1980 Année du patrimoine

21 mars 1980
Par

UNE ACTION SERA–T–ELLE ENTREPRISE POUR SAUVER L’ENCEINTE GALLO–ROMAINE ?

 

TABLEAU DES EFFONDREMENTS DE L’ENCEINTE GALLO–ROMAINE

DATES INCONNUES : probablement médiévales.

  • — Rue des Fossés–Saint–Pierre. Il en reste une dizaine de mètres près de la tour médiévale du Bourreau.
  • — Face Sud de l’enceinte depuis l’angle de Saint–Benoît jusqu’à l’escalier des Boucheries.
  • — Face Nord de l’enceinte sur la pente le long des jardins de l’Évêché.

EFFONDREMENTS DATÉS :

  • 1683 — Face Ouest sur le chevet de l’église Notre–Dame de Gourdaine.
  • 1888 — Face Ouest rue de la Porte Sainte–Anne dans la cour des Petites Écoles de Saint–Benoît.
  • 1972 — Angle Sud–Ouest de l’enceinte près de l’église Saint–Benoît.
  • 1976 — (19 novembre) – Rue des Fossés Saint–Pierre.

 

Photo d'éboulementsLa ville du Mans possède la plus belle enceinte gallo-romaine de France. Parmi la soixantaine de villes fortifiées à la fin du troisième siècle ou au début du quatrième siècle, l’enceinte du Mans reste la mieux conservée.

Pourtant sur ses 1280 m de développement, une grande partie a déjà disparu. Le tableau ci-joint nous indique que de fréquentes catastrophes lui sont déjà arrivées. Il ne reste plus que quelques centaines de mètres, dont la face ouest est le plus beau morceau. Il faut à tout prix sauvegarder et remettre en état cet héritage de notre histoire.

Ce sont justement ces plus beaux restes (car il faut bien parler de restes) situés sur la face ouest devant la Sarthe qui sont les plus menacés. Les grands travaux envisagés sur la rive gauche de la Sarthe (aménagement d’une voie rapide avec deux passages en dénivellations) ne peuvent pas être sans répercution sur cette partie de l’enceinte. Sans vouloir remettre en cause la necessité d’une amélioration de la circulation sur le quai, il n’est pas concevable de méconnaître l’environnement immédiat. Il est indispensable qu’une étude technique portant sur l’enceinte soit réalisée avant le début de ces importants travaux. ll faut rechercher les niveaux et l’état des fondations de chaque section de l’enceinte comprise entre les différentes tours qui jalonnent la face de cette enceinte. Cela ne peut se réaliser que par une succession de sondages à intervalles réguliers. La résistance des sols, l’écoulement des eaux issues des nombreuses sources descendant du côteau du Vieux–Mans doivent être étudiés de façon à éviter toute modification de la nature des sols. Un drainage mal fait, une décompression du sol aboutira à moyen terme à une catastrophe. Sans étude sérieuse comment le savoir ? Quiconque se lancera dans la réalisation des grands travaux du quai sans cette étude préalable portera la responsabilité des désordres futurs susceptibles d’apparaître comme le rappelait Monsieur Batiste, Architecte des Monuments Historiques, dans sa lettre de la fin 1979 à Monsieur le Maire de la ville du Mans.

Plan dessiné Photo d'effondrement d'une paroi

 

Photo de chantierCette étude technique n’a jamais été réalisée. Pourtant on a restauré à grands frais plusieurs unités appuyées sur le sommet de l’enceinte rue de la Verrerie et rue de Vaux, sans se soucier des parties basses dont personne ne revendique la propriété. Cet état de fait ne peut durer.

Nos recherches archéologiques de l’année 1979 et du début 1980 font que nous connaissons quelques points de détail sur les fondations de cette enceinte.

En février 1979 nous avons dégagé l’enceinte dans la rue des Pans de Gorron. Elle se trouve arrasée à 1 m de profondeur sous le pavé, elle est large de 4,20 m, montre sur 0,90 m son parement de mÅ“llons et de rangs de briques reposant sur la partie supérieure d’un rang de gros blocs que nous n’avons pu dégager totalement. En cet endroit le niveau de fondation de l’enceinte est très profondément enterré.

Le sondage ouvert au printemps 1979 à l’angle sud de la Tour des Pans de Gorron montre un niveau très enterré par rapport au niveau du sol actuel. La tour et le départ du mur d’enceinte sont fondés sur plusieurs rangs de gros blocs formant empattement dont certains ont été arrachés.

Photo de chantier
Photo de chantier
Photo de chantier

Entre la Tour des pans de Gorron et la Tour Madeleine, la fondation est formée de plusieurs rangs de gros blocs dont le niveau va en remontant régulièrement. Nos trois sondages ouverts au printemps 1979 ont montré que les blocs externes de la fondation avaient été partout arrachés sur une profondeur moyenne de 0,80 m. ll en résulte que partout le parement n’est plus soutenu et risque de se décrocher maintenant que les constructions sont détruites au pied de l’enceinte.

Le sondage ouvert en février 1980 à l’angle sud de la Tour Madeleine montre une fondation formée par la superposition de quatre rangs de blocs reposant sur un hérisson de pierres. Les deux rangs inférieurs forment un double empattement. Au départ de l’angle de la Tour l’empattement inférieur n’est plus en place sur son hérisson. La fondation se trouve à très peu de profondeur 1,50 m, les deux rangs de blocs supérieurs décorés sont au-dessus du niveau du sol.

Ces rangs de gros libage sont horizontaux jusqu’à Vemplecement de la Tour Hueau détruite en 1836. Notre fouille de février 1980 nous a permis de constater qu’il ne restait pratiquement rien des fondations. Seul le rang de blocs formant la fondation du côté sud est encore partiellement en place sur son hérisson directement sous la terre arrable du jardin public. lls supportent sur 20 cm le départ de la maçonnerie de la Tour. Elle n’était pas liée à l’enceinte à son pied, mais directement collée au mur d’enceinte et avait chassé sur 30 cm.

A partir de cette Tour en allant vers le Tunnel trois rangs de blocs forment la fondation et s’enfoncent régulièrement vers la Poterne du Tunnel. Il y a donc là un décrochement du niveau de la fondation.

Dessin d'une poterne
Nous avons redégagé en septembre 1979 le passage de la poterne du Tunnel. Très enterrée aujourd’hui, elle est fondée sur trois rangs de blocs. Son montant gauche a subi un double mouvement de tassement et de déversement externe ayant entraîné l’inclinaison du dallage du passage, la rupture de la voûte et l’arrachement du parement.

Plan en coupe de l'enceinteDe l’autre côté du Tunnel lors de la construction de la semelle devant supporter les arcades provenant de la place Saint–Hilaire, nous avons observé que le niveau de la fondation de l’enceinte était un peu plus haut que le niveau actuel du terrain. ll en est certainement de même entre les Tours de Tucé et des Ardents.

Les niveaux de fondation de part et d’autre de la Tour du Vivier (fort bien restaurée) sont aériens. Plus loin, à gauche de la Petite Poterne les fondations de l’enceinte sont au ras du sol. Nous avons là un des points les plus menacés de l’enceinte. Le montant gauche de cette poterne s’est affaissé et accuse un fort déversement. Une terrasse de terre d’une dizaine de mètres pousse à son dos. Tôt ou tard le point de rupture d’équilibre surviendra à cet endroit. La voûte du passage qui s’était déjà effondrée a été reprise, mais une fissure apparaît à son appui au dos de l’enceinte qui a continué de bouger.

L’angle sud de l’enceinte n’existe plus près de Saint—Benoît. L’effondrement de 1972 nous a montré que le départ de l’enceinte sur sa face sud est en déversement. ll est retenu actuellement par un talus de terre surplombant l’extrémité des nouvelles constructions de la place Saint–Benoît. Une reprise très délicate est urgente en ce point où le parement moderne se cloque et s’effondre.

Le sondage de juillet 1977 derrière la Tour du Bourreau a montré qu’une partie de l’enceinte gallo-romaine était toujours en place en dépit de l’effondrement de novembre 1976. Nous pouvons l’observer sur une dizaine de mètres en déversement de 20° sur la rue des Fossés—Saint—Pierre. La fondation de cette portion de l’enceinte surplombe cette rue de 4 m.

Dessin d'une tourToutes ces observations posent un grave problème. Allons—nous laisser continuer cette lente mais sure dégradation et attendre une nouvelle catastrophe !

NON, même si cela doit coûter très cher, la collectivité doit entreprendre l’action indispensable à la sauvegarde de l’enceinte gallo-romaine.

Dans un premier temps, il faut confier le soin d’une étude technique portant sur l’état des fondations à un maître d’Å“uvre unique, l’Architecte en chef des Monuments Historiques ou à toute autre personne ou organisme, de façon à pouvoir intervenir au cours de plusieurs tranches de travaux.

Cette décision revient à nos élus, car la muraille est la propriété de la ville. Certes cela coûtera cher, mais les élus sont assurés de trouver au sein de la population mancelle un vaste mouvement d’opinion favorable à la sauvegarde de l’enceinte gallo-romaine. Le Département et l’État ne pourront pas se dérober et devront contribuer financièrement à cette entreprise qui dépasse les seules possibilités de la ville du Mans. L’enceinte gallo-romaine fait partie du patrimoine local, départemental et national. Elle est le témoin de notre histoire nationale. A nous de la faire connaître et de lutter pour sa préservation et sa restauration.

Joseph GUILLEUX
Correspondant des Antiquités Historiques des Pays de la Loire

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