À propos de la rénovation du quartier Saint–Victeur (Rive droite de la Sarthe)

1 juin 1979
Par

La démolition des maisons des rues de AH! AH!, du CHÊNE VERT, de SAINT-VICTEUR et LAROCHE, au cours des mois de mars et avril derniers n’a pas pu passer inaperçue des Manceaux empruntant le nouveau Pont-Perrin et se rendant rue Montoise.

C’est là, tout un quartier de l’ancienne ville qui vient de disparaître. Bien que separé par la Sarthe du noyau principal que constitue le Vieux-Mans, cet ancien quartier sub-urbain (faubourg construit le long des anciennes voiries sortant à l’ouest) possédait un passé fort riche.

Les voiries antiques débouchant du pont Perrin permettaient de se rendre soit vers Nantes, Rennes, Jublains ou les cités de Normandie. C’est tout le long de ces voies romaines que s’est bâti le quartier. Toute la rive droite de la Sarthe contient dans son sous-sol les traces de son passé.

Si nous partons du quartier du pré pour parvenir au boulevard de la Libération, on constate que d’importantes découvertes archéologiques ont eu lieu depuis plus d’un siecle. Ces trouvailles souvent fortuites que nous citerons brièvement montrent que c’est sur cette rive que se trouvaient les nécropoles antiques et la première implantation chrétienne du Mans. Dans le quartier du Pré on decouvrit au cours de différents travaux d’urbanisme des sarcophages (1857 devant l’église), des sépultures gallo-romaines (1898 rue de la Douelle) et la même annee des puits funéraires rue Voltaire.

Dans le quartier de Saint-Pavin, au début du boulevard de la Libération et de la rue Saint-Pavin, J. CHAPPEE fit effectuer des fouilles entre octobre 1912 et mars 1918. II y fut trouvé un peu partout des puits funéraires riches en mobilier datable des premiers et seconds siècles, constituant une vaste nécropole. Ces découvertes ne font que confirmer la loi générale sur l’implantation des zones funéraires à l’époque gallo-romaine. Les nécropoles sont toujours placées en dehors du périmètre purement urbain. Ces différentes découvertes montrent que de part et d’autre du quartier de Saint-Victeur nous avons deux nécropoles, l’une au Sud qui semble la plus ancienne, l’autre au Nord renfermant des influences chrétiennes. Au milieu, se situe l’espace de cet ancien quartier Saint-Victeur, peu fouillé jusqu’à présent mais devant assurer la continuité archéologique.

Les origines de la chrétienté mancelle ont leur assise dans ce quartier. C’est en bordure de la Sarthe que Victeur, premier évêque attesté historiquement pour le Maine éleva la première église mancelle dans les ruines d’une villa détruite au lll° siècle, sous le vocable des Douze Apotres. Cette construction du V° siècle (Victeur étant présent au Concile d’Angers en 453) fut pourvue d’une abside sous l’épiscopat de l’évêque Innocent (533-559). En 1862, les vestiges de ces constructions seront totalement détruits lors de l’aménagement du quai Ledru-Rollin. Nous en possédons le compte-rendu de fouilles publié par l’abbé Voisin dans le bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, T. XVI, p. 911-918. Dans l’enclos de cet ancien monastère fut découvert vers 1798 un vase contenant 468 monnaies romaines.

Les invasions bretonnes et normandes au cours du IX° siècle bouleversèrent ce secteur qui se reconstruisit une fois ces tourmentes passées. Il se reconstitua une nouvelle fois autour des grands axes routiers (rue Bretonniere vers la Bretagne et Montoise en direction du Mont—Saint-Michel). La population augmentant une église paroissiaIe fut batie à la fin du XI° siècle sous le vocable de Saint-Jean. Elle sera détruite à la Révolution. La Guerre de Cent Ans amena une nouvelle période d’épreuve pour ce quartier faubourg non enclos de murailles. Après la défaite de Poitiers, les bandes anglaises vinrent guerroyer jusque sous les murs du Mans.

Les registres paroissiaux conservés depuis 1592 pour les baptêmes et 1646 pour les mariages et sépultures permettent de suivre l’évolution de l’ensemble de la population constituant la paroisse. En 1764, cette paroisse comptait 444 feux soit 1534 habitants sur une population urbaine de 16245 habitants. La paroisse se classe en quatrième position pour l’ensemble de la ville qui en renferme 16.

L’ensemble du quartier fut en partie remodelé par la construction des quais dans les années 1860 (destruction de la rue du Boeuf Couronne et aménagement de nouvelles rues). Le percement de l’actuel boulevard de la Libération fit disparaitre l’ancienne rue Bretonniere en 1912. Les destructions actuelles ont fait disparaitre un ensemble de maisons construites dans leur majorité entre les XVI° et XVIII° siècles. Un certain nombre etait de réelle valeur architecturale et il semble qu’une solution de rénovation aurait pu s’effectuer en tenant compte de ce patrimoine, comme la consultation de l’automne 1977 le laissait suggérer. Hélas, il en a finalement été décidé tout autrement. La destruction a révélé derrière les anciennes constructions de vastes espaces en jardin s’étendant jusqu’au Grenouillet. ll est du devoir des pouvoirs publics de favoriser une campagne de fouilles archéologiques sur ces terrains afin de mieux connaître le passé de ce quartier.

Joseph GUILLEUX

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

* Copy This Password *

* Type Or Paste Password Here *