Evêque du Mans depuis 1918, élu à l’Académie Française en 1936, Monseigneur GRENTE était élevé à titre personnel à la dignité d’Archevêque en 1943 et promu Cardinal par le Pape Pie XII en 1952. La ville du Mans voyait à la tête de son diocèse un Cardinal, ce qui n’était pas arrivé depuis le XVIème siècle ! Homme de lettres talentueux, éminent académicien, brillant orateur, ce prélat hors du commun était une des plus hautes personnalités non seulement du MANS mais aussi de France.
Entre ses nombreux voyages tant en France qu’à l’étranger, Mgr GRENTE résidait dans le superbe évêché de la Place du Château, en face de l’entréé principale de la Cathédrale Saint- Julien.
Au mois de novembre 1952, mon père, chapelier Place des Jacobins, à l’emplacement occupé maintenant par la Brasserie « Maître Kanter »,reçut un appel téléphonique pour le moins exceptionnel. En décrochant l’appareil, il s’entendit dire :
« Cher Monsieur, je suis votre Evêque, Monseigneur GRENTE… Je me permets de m’adresser à vous en qualité de voisin et …hélas !!…non en client… Je viens de recevoir une lettre de ROME qui me demande de faire parvenir au Vatican une « conformation » de mon crâne… En effet… m’explique-t-on… les chapeaux des Cardinaux, qui leur sont remis lors du sacre sont confectionnés à ROME. C’est pourquoi il est indispensable que je leur transmette la conformation de mon crâne pour la fabrication de mon futur chapeau… Comme vous êtes presque mon voisin,… et le chapelier le plus proche de l’Evêché, je me permets de vous demander s’il vous est possible de me rendre ce service ».
Mon père, qui avait reconnu la voix caractéristique de son Evêque, était un tantinet ému…II connaissait peu le futur Cardinal, n’étant guère « pratiquant » et ne franchissant l’une des portes de la Cathédrale que pour assister à des messes d’enterrement ou de mariage…Les seuls véritables contacts qu’il avait eus avec l’Evêque avaient été lors des cérémonies de communion de mon frère et de moi-même, en la Chapelle du Lycée Montesquieu.
Pour lui, cette demande était un événement !…Il possédait un « conformateur », comme tout bon chapelier de l’époque. C’était un instrument assez encombrant, en forme de chapeau « haut de forme », fait de petites pièces mobiles en bois. En le plaçant sur la tête du « patient » et en déplaçant les petits morceaux de bois, on prenait avec exactitude la conformation » du crâne qui se traçait sur un carton placé à l’intérieur de l’appareil.
Mon père n’avait aucune raison de refuser le « service » demandé par son éminent voisin et rendez-vous fut pris pour l’opération…
C’est ainsi qu’un matin de la fin novembre 1952, notre chapelier en cravate et chemise blanche, son plus beau chapeau posé sur la tête, se rendit à l’Evêché. Il emmena avec lui son employée fidèle, Solange, qui, aussi émue que lui portait le conformateur comme les prêtres de l’êpoque portaient les saintes huiles destinées à l’extrême-onction.
Arrivé à la porte de l’auguste demeure, mon père tira le pied de biche qui faisait office de sonnette. Est-ce le bruit que fit la sonnette ? Est-ce tout simplement l’émotion devenue plus intense ? …mais la brave Solange lâcha le précieux « conformateur » qui tomba lourdement sur le sol, devant la porte de l’Evêché ! Avec précipitation et avant que le portier n’arrive, mon père releva l’appareil, non sans s’apercevoir que les petites pièces en bois avaient subi un sérieux choc…
Malgré tout, après avoir été introduit dans un des superbes salons de l’Evêché et avoir été reçu avec une extrême courtoisie par Monseigneur GRENTE, le papa CHAUSSUMIER prit avec soin la « conformation » du crâne du futur Cardinal.
Par la suite, mon père fut toujours persuadé que celle-ci n’était pas très précise. En effet, en tombant, l’instrument avait été en grande partie déréglé et l’ovale du crâne, tracé sur le carton, était pour le moins bizarre !
Le Cardinal GRENTE ne s’aperçut sans doute jamais que son chapeau pourpre n’était guère à la « pointure » de sa tête. Etait—il trop grand ? Etait—il trop petit ? On ne le sut jamais . Ce qui est certain c’est que mon père reçut une aimable lettre de remerciement du prélat, missive que je garde précieusement dans mon amoncellement de documents.
Et, la tradition ne dit—elle pas qu’un cardinal ne porte son chapeau d’apparat qu’une seule fois dans sa vie, le jour de son intronisation à ROME, après qu’il lui ait été remis par le Pape ; le symbolique chapeau n’étant ressorti, ensuite, qu’à la mort du Cardinal, pour être suspendu derrière le chœur de sa cathédrale. Celui du Cardinal GRENTE fut, après sa mort en 1960, accroché longtemps à une ficelle derrière l’autel principal. Il y a déjà longtemps qu’il n’y est plus, et on ne saura jamais s’il coiffait bien ou mal Georges GRENTE, Evêque—Cardinal du Mans, de l’Académie Française.
Jacques CHAUSSUMIER
J’ai bien connu Monseigneur Grente.Il vint très souvent à Tours ,invité qu’il était par notre
Archevêque de l’époque Monseigneur Gaillard,pour présider certaines cérémonies.
Je me souviens qu’il avait prononcé le panagérique de Sainte Jeanne de France à Amboise devant
moults prélats lors de la grandiose cérémonie en l’honneur de cette fille de Louis XI en fin
juin 1951.La délégation à laquelle j’appartenais est arrivé d’ailleurs le fameux panégerique
terminé-nous avons croisé l’orateur flanqué de son valet de pieds-descendre la pente de l’entrée du château.Sans doute avait-il ailleurs d’autres obligations.Quoiqu’il soit votre récit est interéssant sur ce personnage éminent sans doute,mais semble-t-il assez loin de l’Evangile.