La destruction de la porte de la Cigogne

1 septembre 1979
Par

1831-1834

Au début de la Monarchie de Juillet, les autorités mancelles se précoccupèrent d’assainir et d’améliorer la voirie urbaine de la vieille cité. La destruction des deux portes de ville, de la place du Château et de la Cigogne fut décidée dans ce dessein. Nous n’étudierons que le dossier relatif à la destruction de la porte de la Cigogne qui fermait la Grande-Rue avant la descente vers le quartier de Saint-Benoît par la rampe de la Truie-qui-File. Les archives municipales ont conservé dans le dossier 1693, chemise 36, les 25 pièces administratives concernant la destruction de cette ancienne porte de ville. Cet ensemble de pièces est daté entre le 22 novembre 1831 et le 10 juillet 1833.

L’idée de la destruction de cette porte de ville devait couver depuis un certain temps dans l’esprit de certains Manceaux. C’est par la lettre du 22 novembre 1831, adressée au Maire par monsieur Boyer, professeur au collège, que nous voyons apparaître la première réclamation de démolition.

Le Conseil municipal profite de cette demande, véritable aubaine, lors de sa réunion du 3 décembre 1831 pour décider la destruction de cette porte. Au cours de cette délibération est nommée une commission qui est chargée, avec l’architecte voyer de la ville, d’étudier l’affaire.

Cette décision dut déplaire à un certain nombre d’habitants qui, à une date non précisée par le document, firent circuler une pétition qui recueillit 90 signatures. Ces personnes s’opposaient à ce projet de destruction par le fait que la dite porte supportait une horloge publique. Ils réclament la conservation de cette horloge au même endroit et font remarquer qu’elle est arrêtée depuis plusieurs années et qu’il faudrait la « raccomoder ».

Devant ces prises de position opposées, le Conseil municipal se réunit le 5 janvier 1832 et après délibération maintient son proiet de destruction de cette porte.

L’architecte voyer et les membres de la commission vont bientot déposer chacun leur rapport.

Pour l’architecte nous avons l’estimation des matériaux que pourrait rapporter cette démolition.

Les matériaux du bâtiment et de la pile qui contient l’escalier sont estimés à 120 m3 de pierre à 3 F le m3 = 360 F. Les soliveaux des deux planchers, le colombage formant le second étage de la tour et la charpente font 12 m3 de bois à 40 F le m3 = 480 F.

Le menu bois : contrelattes, barreaux de terrasse, marches d’escalier, les ardoises, plomb, fer, fenêtres et portes : 160 F., soit un total de 1 000 F.

Le rapport des membres de la commission municipale chargée d’examiner l’avantage ou l’inconvénient qu’il y aurait à démolir le porche de la Cigogne nous dit : Les membres ont trouvé le porche lézardé dans la voûte et la tour servant d’escalier lézardée. ll en résulte des réparations urgentes. Les propriétaires voisins ont donné leur accord pour la destruction. Seul M. Hernoux, cordonnier, émet une réserve pour la dépense qui lui sera occasionnée par l’obligation de clore la maison de côté. La commission propose de mettre l’horloge dans le clocher de Saint-Benoit si possible. Elle propose la destruction de la porte vu le mauvais état du porche qui se trouve sans lieu d’aisance, ce qui entraine les locataires à vider leurs ordures sous le porche et rendent ainsi le quartier sale et malsain. Les ardoises qui tombent du toit cassent les carreaux et la toiture est à refaire. De plus le porche nuit à la circulation de l’air. Ce porche ne rapporte rien bien qu’il soit loué 60 F par an, qui se trouvent en fait abandonnés au locataire pour l’entretien des horloges de Saint-Julien et du porche. ll y aurait nullité de cette rente si les sacristes de Saint-Benoit et de Saint-Julien s’en occupaient ou bien le portier de la Mairie. Par contre le prix retiré de la démolition du porche estimé par l’architecte à 1000 F. est jugé trop faible vue la qualité du bois. Il faudrait l’estimer à 1 300 F. Par ailleurs la commission trouve que le devis de 600 F pour la réparation de l’horloge est trop elevé. La commission conclut qu’elle est d’avis à l’unanimité de ses membres de la nécessité de la démolition du porche de la Cigogne.

Muni de ces deux rapports, le Conseil municipal se réunit le 17 avril 1832 et arrête, en reprenant toutes les considérations émises :

Article premier. — Le porche de la Cigogne sera démoli.

Article deux. — Les matériaux seront vendus au plus offrant et dernier enchérisseur à la charge de la démolition et des clauses et conditions exprimées dans le rapport de M. l’Architecte de cette ville.

Article trois. — Le présent arrêté sera soumis à l’approbation de M. le Préfet.

Le 25 avril 1832, le Préfet de la Sarthe approuve et signe l’arrêté du maire.

Mais voilà que deux propriétaires riverains de cette porte de ville se manifestent le 5 mai 1832 en envoyant une protestation écrite au Maire. Il font remarquer que la démolition du porche va mettre à découvert une partie du toit et l’un des cotés de la maison. Ils s’estiment donc en droit d’exiger une indemnisation.

L’ingénieur voyer doit se déplacer et juge dans son rapport du 14 mai 1832 des protestations de MM. Gadois et Faribault. II reconnait « qu’on ne pouvait démolir le porche sans mettre a découvert une partie du toit et l’un des côtés de la maison des pétitionnaires en raison de la liaison qui existe entre leurs murs et leurs charpentes et la pile du porche d’où il resulterait la nécessité de les indemniser. D’un autre côté, selon le plan voyer, ces maisons seraient sujettes a un retrait d’un mètre environ. Comme elles sont placées sur le revers bas de la montagne, ce à quoi l’auteur du plan n’avait pas fait attention, il faudrait faire de nouvelles fondations sur une hauteur de 16 m. et une épaisseur suffisante pour soutenir les terres du massif de la Cigogne, ce qui entrainerait la ville à des dépenses considérables ». L’ingénieur pense qu’il fallait réduire en cette partie seulement à sept mètres au lieu de huit mètres l’élargissement projeté. Les voisins consultés sur ce point ont donné leur accord et il faudrait vendre a MM. Gadois et Faribault la pile pour la somme de deux cents francs.

Le maire prévient les propriétaires des maisons qu’en conséquence d’une délibération du Conseil municipal du 15 mai 1832, une rectification au plan voyer est faite : la largeur projetée de cette portion de rue se trouve réduite a sept mètres depuis celle du Petit Saint-Pierre et Godard, jusqu’en dessous le porche.

Le 25 juin 1832 les deux propriétaires Gadois et Faribault acceptent les propositions de la Mairie.

Les autorités municipales vont maintenant pouvoir procéder à l’adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur des matériaux provenant de la démolition du porche de la Ciqogne. Voici les articles de cette adjudication conservés dans les archives municipales.

Article 1. — L’adjudicataire fera faire la démolition à ses frais et devra faire enlever immédiatement les matériaux et décombres de manière à ne pas obstruer la voie publique.

Article 2. — Les deux piles de maçonnerie sur lesquelles s’appuient d’un côté la maison de M. Lefebvre et Hernoux et de l’autre côté celle de M. Faribault et Gadois ainsi que les murs au dessus de cette deuxième pile, les cheminées adossées ne seront point comprises dans la vente. ll ne sera démoli que la partie de la tour qui est en charpente et la voûte de la porte avec les murs qu’elle soutient en arrachement de chaque coté de manière que la construction qui est autre ne puisse compromettre la route publique. Si dans la démolition il était trouvé quelques objets précieux, quelque chose de rare ou de curieux, ces objets resteraient la propriété de la ville car il est bien entendu que la présente vente ne comprend que les matériaux.

L’horloge et ses accessoires sont également exceptés de la vente. l’adjudicataire devra la faire descendre et transporter dans l’endroit que lui indiquera l’architecte de la ville.

Article 3. — L’adjudicataire devra faire donner à ses frais avis de signification aux propriétaires des maisons voisines du jour où il commencera la démolition. ll sera responsable envers eux de tous les dommages. Il se devra de faire placer des lisses dans la rue au dessus et au dessous du porche pour intercepter la circulation.

Article 4. — Les travaux commenceront aussitôt après que l’adjudication aura été déclarée définitive et devront être terminés six semaines après jour pour jour, sous peine de 10 F de dommage-intérêt par jour.

Article 5. — L’adjudicataire devra fournir solvable caution.

Article 6. — Le prix de l’adjudication sera versé à la caisse du receveur municipal dans le délai de six mois du jour de l’adjudication et portera intérêt à partir de ce jour.

Nous ne savons pas à quelle date fut passée cette adjudication ni qui en fut l’adjudicataire ainsi que le montant de celle—ci. Il dut se passer un certain temps car ce fut le 12 juin 1833 que par ordonnance royale la ville fut autorisée à vendre pour 200 F à Gadois et Faribault la pile de l’ancien porche de la Cigogne et le mur qui excède l’entablement, sous la condition que les concessionnaires ne pourront ne prêter aucune indemnisation contre la ville à raison de réparations qu’ils seront forcés de faire à leur maison par suite de la démolition du porche.

Le Préfet de la Sarthe fait transmettre cette ordonnance royale au Maire le 6 juillet 1833. La ville adresse à M. Mauboussin, notaire au Mans, une copie de cette ordonnance le 10 juillet de façon à dresser l’acte de vente de cette pile.

Joseph GUILLEUX

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